Homo comicus by François L'Yvonnet

Homo comicus by François L'Yvonnet

Auteur:François L'Yvonnet [L'Yvonnet]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Mille et une nuits
Publié: 2012-10-11T17:00:00+00:00


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Troisième thèse : on peut repérer trois phases par lesquelles semble être passé l’humour contemporain pour atteindre son niveau de nullité actuelle : – Dérision des politiques et de la politique ; – Politique de la dérision ; – Au-delà de la politique et de la dérision.

Dérision des politiques et de la politique

Le pouvoir est risible et il est toujours sain d’en rire. Grotesques sont le plus souvent les princes et les tyrans, la Cour et les courtisans, grotesques encore que la théâtralité du pouvoir, ses coulisses et son deus ex machina. C’est une autre affaire que de se demander, avec Pascal, si la représentation du pouvoir est inséparable du pouvoir. En tout cas, ceux qui l’incarnent et le détiennent ont été avec bonheur brocardés à travers les âges. Déjà les Grecs, avec le brio que l’on sait, se livraient à l’exercice de la pochade politique. Une Académie athénienne, celle des Soixante, fut même dédiée à cette forme d’esprit. Et l’Agora bruissait de toutes sortes de propos irrévérencieux…

Le persiflage a des vertus cathartiques. Au « Chat noir », sur la Butte, on ne faisait guère autre chose. Dans un Paris peuplé d’espions et d’argousins, on se moquait, mais à l’abri des murs. Il s’agissait de garder son quant-à-soi, de maintenir le pouvoir à bonne distance, de creuser le fossé qui sépare les deux mondes. Le rire est une frontière. On rit entre soi. C’est une sorte de shibboleth. Les caveaux et autres cabarets, nous l’avons dit, ont gardé une partie de cet esprit frondeur. Le rire est une arme contre l’esprit de sérieux, un remède contre le fanatisme. Rire, c’est dire non ! Un certain rire, du moins. Celui de Swift est de celui-là. Le rire est un doute à l’état d’ébauche, un doute non encore formulé, mais qui ébranle les certitudes. Alors que la rigolade débridée dit « oui », consent, acquiesce, adhère. Le philosophe Alain parle de celui qui dit « oui » comme d’un homme qui s’endort, celui qui dit « non » secoue la tête et se réveille. Les épisodes « comiques » que les télévisions et les radios distillent à longueur de journée ne sont pour l’essentiel qu’acquiescements à des stéréotypes, à un système qui frappe tout d’« indistinction ». Le néo-humorisme est un phénomène de masse. La dérision des politiques est devenue généralisée et par là parfaitement inoffensive.

Le « Bébête Show » a lancé en France, au début des années 1980, la mode des marionnettes politiques. La notoriété appelle la marionnette, qui en retour fait la notoriété. Le processus est vicieux et pervers. La dérision confère aux politiques un statut nouveau. Avoir ou ne pas avoir sa marionnette, voilà la question. Peu importe ce qu’elle représente ou ce qu’elle dit (il suffit de regarder une émission équivalente sur une chaîne étrangère, dans une langue que l’on ne comprend pas, pour bien mesurer l’absence constitutive de contenu). Il en sera de même avec les « Guignols de l’Info », vaste entreprise de neutralisation du discours politique par sa simulation.



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